Il faut qu'un jour nous tombions en miettes. Des morceaux, pans ou tranches de nous-mêmes. D'un geste, parfois, par faveur, l'artiste prend ces morceaux et les dispose. Trace le cadre d'abord, et les lance sur la toile. Et alors, que l'œuvre existe et nous renaissons.
Avec Zec, nous sommes en attente de la révélation. Tentés par la couleur miroitante, cernés par la géométrie et la fatalité du choix. Ces morceaux d'âme ou de sens, il les propose à notre réflexion. il les médite et les mesure; calcule les surfaces, prévoit les bordures, menaces de notre finitude. Les lignes se croisent et nous écartèlent. C'est exprès. Les supports retranchés, que restera-t-il de notre palpitation?
Au-delà de la porte, monumentale et archaïque, du premier seuil, laissons les lisières dangereuses pour entrer dans la couleur. Le bleu profond, sa densité, sa mouvance sombre, se concentrent dans une toile simple d'où, peut-être, naîtra tout à l'heure un visage. Ici tremble une Croix, là Elle file, oblique, dans un champ éclairci. Où va l'homme, bras écartés, qui jette à terre son ombre noire?
Porte de bronze, feuille de miroir. Transparences et opacités diffèrent l'inéluctable rendez-vous blanc et noir. Le peintre le repousse hors du cadre - le blanc gagnera: le salut est dans le blanc.
Chemin sanglant, cadres éclatés, envolée d'argent. Sur les parois de la couleur plate, couchée, lamelle de joie sur lamelle de douleur:, couche de foi sur couche de savoir, l'âme avoue son labeur, sa faiblesse, sa douceur. Zec la saisit dans son effort et non dans sa gloire, la honte dessous, son chemin noir. Soudain, pourtant, l'éclat splendide d'une certitude: sur la toile, un coeur rubis. Et puis, plus loin, un champ mauve, une poussée de clarté. Des ors. L'or s'étend et progresse, et tant et tant - vrai, il était là depuis le début... il était là tout le temps.
Votre éternité, murmure Zec, pour plus tard.